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Orphée aux enfers OFFENBACH Opéra

Du 6 au 11 janvier 2011

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Présentation

Affiche Orphée aux enfers

Distribution

Orphée aux enfers
Opéra bouffon en deux actes et quatre tableaux
Créé au Théâtre des Bouffes-Parisiens de Paris, le 21 octobre 1858

LIVRET Henri Crémieux et Ludovic Halévy
MUSIQUE Jacques Offenbach 

ORCHESTRE DIJON-BOURGOGNE
CHŒUR DE L’OPÉRA DE DIJON

DIRECTION MUSICALE Samuel Jean
MISE EN SCÈNE Yves Beaunesne

DRAMATURGE, RÉÉCRITURE DES DIALOGUES Marion Bernède
COLLABORATEUR ARTISTIQUE À LA MISE EN SCÈNE ET AUX MOUVEMENTS Jean Gaudin
SCÉNOGRAPHE Damien Caillet-Perret
COSTUMES Patrice Cauchetier
LUMIÈRES Joël Hourbeight
ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE Marie-Edith Le Cacheux

EURYDICE Pauline Courtin
ORPHÉE, PROFESSEUR DE MUSIQUE Julien Behr
ARISTÉE, UN BERGER / PLUTON Mathias Vidal
JUPITER Vincent Deliau
L’OPINION PUBLIQUE Marie Gautrot
JOHN STYX Jérôme Billy
MERCURE Paul Crémazy
CUPIDON Emmanuelle de Negri
DIANE Julie Fuchs
VÉNUS Amaya Dominguez
MINERVE Estelle Kaique
JUNON Sabine Revault d’Allonnes

PRODUCTION Académie européenne de Musique du Festival d’Aix-en-Provence

COPRODUCTION Opéra de Dijon, Opéra de Toulon - Provence Méditerrannée

ACTE I

Premier tableau

Le couple formé par Orphée et Eurydice est désuni depuis longtemps. Eurydice, lasse des infidélités de son époux Orphée, violoniste prétentieux et volage, est tombée sous le charme du berger Aristée qui se trouve être, en réalité, le dieu Pluton déguisé, qui a l’intention de l’entraîner chez lui, aux Enfers. Eurydice, avant de le suivre, écrit dans un dernier souffle quelques mots à Orphée. Celui-ci se réjouit de son veuvage, mais l’Opinion Publique intervient et exige de lui qu’il aille réclamer son épouse à Jupiter. Elle le conduit sur le mont Olympe.

Deuxième tableau

Sur l’Olympe, les dieux, gavés de nectar et d’ambroisie, se révoltent contre Jupiter qui leur fait mener une existence terne et oisive et à qui ils reprochent sa vie dissolue.

Junon son épouse, alertée par Mercure, flaire une nouvelle maîtresse et lui fait une scène. Jupiter fait venir aussitôt Pluton qui nie avoir enlevé Eurydice. Orphée surgit alors, accompagné de l’Opinion publique, et exige à contrecœur le retour de sa femme. Jupiter décide alors de se rendre aux Enfers avec tous les autres dieux dans le but officiel de les distraire et officieux de trouver Eurydice et de l’enlever.

ACTE II

Premier tableau

Dans le boudoir de Pluton, Eurydice, délaissée, s’ennuie. John Styx, le valet de chambre chargé de la surveiller, lui raconte la splendeur de sa vie passée tout en lui faisant la cour. Elle le repousse, déçue et très contrariée par l’attitude de Pluton. Alerté par un bruit suspect, John Styx l’enferme dans une cachette. Tandis que les dieux de l’Olympe la cherchent, Eurydice est fascinée par une mouche aux ailes d’or qui s’introduit par le trou de la serrure. C’est Jupiter, qui, sous cette forme, parvient à la séduire et lui promet de l’enlever à son ravisseur.

Deuxième tableau

Pluton donne une fête infernale en l’honneur des dieux de l’Olympe. On boit et danse sans retenue dans son royaume des Enfers. Jupiter, applaudi pour son menuet, est arrêté dans son élan par l’arrivée de l’Opinion publique et d’Orphée, lequel se voit contraint de lui réclamer Eurydice. Jupiter se voit, lui, obligé de la lui rendre devant tous les dieux rassemblés. Il pose cependant une condition : sur le chemin du retour, Orphée devra marcher devant Eurydice sans se retourner vers elle. Mais alors qu’il n’a pas encore franchi le Styx, Jupiter envoie un éclair. Effrayé, Orphée se retourne et perd Eurydice, pour leur plus grande joie à tous deux. Jupiter, qui ne peut garder Eurydice pour lui, s’il veut conserver son prestige, décide qu’elle entrera à la cour de Bacchus et qu’elle deviendra une de ses prêtresses. Eurydice se lance alors dans un cancan endiablé.

Yves Beaunesne, metteur en scène

D’abord, il y a du beau monde : Jupiter et sa cour, Orphée et Eurydice, et même L’Opinion publique... Ensuite, ça ne se passe pas n’importe où : de l’Olympe aux Enfers... Enfin, il y a luxe de styles musicaux et de danses : le menuet, la valse, la romance, l’aria, le récitatif, la polka, le rondeau, la marche, la saltarelle, le galop… Mais sans retenue, le compositeur et ses librettistes y sont allés de leurs anachronismes et pastiches éméchés frisant la profanation de la mythologie, de l’opéra, de la morale et du pouvoir ! Pas de lyrisme aimable ou de jolie douceur pastorale, mais parodies, saillies, satires et facéties triomphantes... Au secours ! Que faire face à cet « attentat au sens commun » (Jules Janin) ? Applaudir à ce génie du détournement d’une universalité immédiate ! Car cela donne un opéra-bouffon en deux actes et quatre tableaux qui reçoit, dès sa création en 1858, un accueil triomphal pour deux cent vingt-huit représentations d’affilée, boudé seulement par quelques Goncourt gâteux…

L’Exposition universelle de 1855 au coeur de la « Ville Lumière » a encouragé les aspirations sociales, mais les élections de 1857 renforcent le Second Empire et douchent les espoirs de démocratie. C’est le règne d’un ordre bourgeois gagné par la prospérité. Offenbach entreprend une satire politique et sociale à travers une parodie de l’opéra et de la culture dominante : Gluck, Bellini, Rossini, les opéras seria et la mythologie en feront les frais pour le plus grand bonheur de spectateurs nourris des airs lyriques célèbres et des mythes gréco-romains. En gros, cela donne une petite histoire entre l’Olympe et Paris : une jeune mariée, qui s’est déjà lassée de son mari, lui-même volage, est séduite par un dieu déguisé en berger puis abandonnée à la garde d’un « domestyx » qui lui déclare sa flamme. Passe le grand frère du divin seigneur, qui n’est autre que Jupiter, et qui va, avec succès, ravir cette jolie proie, malgré l’opposition farouche de la moralisatrice Opinion publique.

L’héroïsme antique, les hypocrisies de l’amour conjugal à la Napoléon III et les fondamentaux bourgeois s’en trouvent malmenés dans un galop démoniaque. Au même moment, Flaubert est condamné pour sa Madame Bovary et Baudelaire pour ses Fleurs du Mal. La « sottise en action » (Julien Green) de l’Opinion publique triomphe… Aujourd’hui, l’oeuvre n’a rien perdu de son mordant, même si la satire s’est déplacée et se révèle surtout dans le regard critique sur les rapports sociaux et la rivalité entre les êtres. Dans le titre de l’opéra, je retiens « Enfers » : le choeur de la révolte chez Offenbach aura comme pilier la Marseillaise, chant subversif sous le Second Empire et qui ne redeviendra hymne national qu’en 1879 à l’avènement de la Troisième République. Revoyons la petite histoire : Orphée et Eurydice, un jeune couple issu d’un milieu simple, passe par une crise. Le Victor Hugo de L’Intervention n’est pas loin. La jeune épouse, héritière un peu gouailleuse de la Suzanne des Noces de Figaro, est femme de chambre chez les Jupiter. Éblouie par la faconde et l’élégance des dandys, elle ne résiste pas aux assauts d’un jeune aristocrate gros bourgeois au petit pied. Mais le ravisseur se fait souffler sa prise par son grand frère, « le baron Ernest de Jupiter » (sic), et l’ouvrière poursuit sa montée aux Enfers dans les fumées des paradis artificiels. Eurydice, disponible aux appels de l’inconnu, devient ainsi, sous la coupe de ces beaux et riches parleurs, une jeune femme qui est choisie au lieu de choisir, une femme de rencontre et non une femme que l’on rencontre, une femme qui n’arrive pas, avec un sourire désespérant, à peupler sa solitude rêveuse. Elle joue une partie dramatique avec les cartes de la comédie et devient à la fin une Bacchante, c’est-à-dire une « folle de son corps », entre la prostituée et la meneuse de revue. L’innocence est perdue.

Offenbach, Crémieux et Halévy voulaient d’abord « fonder une compagnie mutuelle d’assurance contre l’ennui », selon leur propre expression, et ils y sont magnifiquement arrivés ! Mais, sans être des révolutionnaires avant l’heure, ils obéissaient sans doute aussi à cette loi de la nature qui rend mystérieusement tragique l’inspiration des poètes, même les plus gais, à la veille des tremblements de cette terre : le conflit franco-prussien de 1870, la chute du Second Empire, la Commune ne sont pas loin. Le fusain est acéré. Sous la plage, les pavés. Offenbach, défenseur de « l’oeuvre ouverte », sans cesse remaniée tant par l’auteur que par ses interprètes, est bien « le Mozart des boulevards » (Rossini), qui nourrira l’éclosion de genres aussi riches que la comédie musicale à l’américaine, le cabaret allemand ou les musiques de scène et les songs écrites pour Brecht par des Kurt Weill et Hanns Eisler. Invités par Offenbach, qui réécrira à de nombreuses reprises ses oeuvres, dont Orphée aux Enfers, nous chercherons à « faire la balançoire » en orientant les dialogues vers un réalisme expressionniste à la Wedekind et poétique à la Prévert. Rien moins que ça… Nous avons, avec Alain Altinoglu, choisi la version mordante et ébouriffante de 1858, qui nous semblait la plus proche d’un « théâtre en musique ». Mais nous ne pouvions résister au plaisir d’y ajouter quelques emprunts immanquables à la version « opéra-féérie » de 1874, des pages grisantes telles que le rondo saltarelle de Mercure, l’air en prose de Pluton, les couplets des regrets d’Eurydice et le récit et les couplets des baisers. La rigueur musicologique a ses limites, et nous nous serions mortifiés à ignorer ce que personne au monde n’ignore. Nous nous sommes donc accordés cette liberté à laquelle toute l’oeuvre d’Offenbach invite.

« Il me sera beaucoup pardonné parce que je me suis beaucoup donné ». Jacques Offenbach